La mort en billes (réédition) by Gilles Thomas

Auteur:Gilles Thomas [Thomas, Gilles]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2265041750
Éditeur: FNA 1710
Publié: 1989-01-21T23:00:00+00:00

Il y a des vitrines, des marchandises offertes à la convoitise, des jolies filles souriantes, en robes légères, des enfants qui rient. C’est un autre monde. Je revois la petite main de Marithé sur le manche de son couteau. Est-ce qu’elle serait heureuse, ici, passé l’attrait de la nouveauté ? Probablement pas. Elle a été conditionnée pour une vie différente. Profondément conditionnée. Comme nous. Ni Thomas ni moi ne sommes très à l’aise.

Pierre-André nous accepte, invariablement poli, alors que nos manières le choquent cent fois par jour. Il tique un peu, en général, mais n’exprime jamais sa désapprobation. Il ne semble pas lui venir à l’idée de nous envoyer paître, au moins verbalement. Le conditionnement du civilisé, c’est quelque chose aussi. De solide. Doit pas nous adorer tellement, mais n’en montre rien, et s’efforce même à la cordialité.

Sa jolie petite femme ne bronche pas davantage. Elle reste souriante, aimable, malgré la petite lueur d’inquiétude qui est tapie dans ses grands yeux marron. Elle a tendance, quand même, à écarter ses mômes de nous. Adroitement et sans ostentation, mais fermement.

***

Le rendez-vous avec le général, ça s’est passé au petit poil. D’abord, il nous aimait beaucoup. Un premier malade était radicalement guéri, et

les autres en bonne voie. Deuxio, c’était un type bien. Vachement ficelle, et pas embarrassé du tout par le formalisme. Dans les soixante, probable, mais bien entretenu. Le ventre plat, et des muscles sous la peau. Cheveux gris taillés court, et yeux clairs incisifs. La première fois que j’ai dit tu – la force de l’habitude – il n’en a pas attrapé la jaunisse. Il ne s’est pas marré ouvertement non plus, mais il s’amusait.

On s’est très bien entendus. Vraiment très bien. Je lui ai fait confiance. Aucun risque. Et j’ai expliqué les choses en détail. Lui a promis de nous aider pour l’installation des capteurs d’énergie solaire dans l’île, et a accepté de nous fournir pas mal de choses en prime. Frédéric, je le voyais déjà nageant dans le bonheur. Porquerolles, ça allait devenir le premier centre vraiment civilisé de France. Ça ferait plaisir à Annie. Et, à mon idée, les bonnes relations avec la Suisse, ça durerait.

Pour fêter ça, le soir, il y a eu une fiesta. Et on a débauché le Pierre-André. Bien imbibé, il se déconstipait. Ça s’est terminé dans une piaule, du côté de Saint-François, avec des filles.

Madame Pierre-André Janin gardait les gosses. Le lieutenant n’a pas laissé sa part aux chiens. Nous non plus. Ces belles petites Suissesses, ça faisait un moment qu’on les avait sous le nez sans pouvoir y toucher, et que ça nous tirait dans le bas ventre. On s’est payé une très chouette partouze.

L’hélicoptère survolait la France. D’en haut, ça faisait bizarre. Rien que du vert, partout. Les villages plus ou moins en ruine disparaissaient dans la végétation. Les petites villes faisaient des taches plus nettes. Lyon en a fait une très grosse. Des toits, et la colline de Fourvière. Les rubans du Rhône et de la Saône tranchaient dans la ville.

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